En 895, une charte de l’abbaye de Marmoutier (Tours) désigne le lieu sous le nom de « Voginantus » signifiant en language celtique « fontaine sacrée ».\r\nL’influence de la tribu druidique des Carnutes a été importante dans notre département au bord de la Loire. Au début de chaque année leur rassemblement se faisait à Sodobrium (Suèvres) à 3km de Saint-Denis-sur-Loire.
Exerçant leurs médecines, les druides, nombreux sur ce bord de Loire riche en sources, ont pu favoriser le développement et la réputation des eaux.
En 1341, lors de l’aquisition du domaine de Saint-Denys par Philippe Hurault, l’acte d’achat mentionne les sources thermales.
Territoire des Carnutes
Les sources thermales deviennent très prisées dès le début de la Renaissance. La famille Hurault de Saint-Denis, propriétaire du château de Saint-Denis-sur-Loire, y invite les hôtes couronnés du château de Blois.
A la fin du XVème début XVIème siècles, Louis XII roi de France et sa cour viennent fréquemment dans les thermes.
En 1515, après la mort de Louis XII et le couronnement du nouveau Roi de France François 1er, les thermes sont toujours très prisés, à tel point qu’en 1520 le village est nommé «Saint-Denys les Fontaines».
A partir de la moitié du XVIème siècle, Catherine de Médicis devenue Reine de France en 1547, entreprend la réhabilitation des Thermes. Henri II roi de France son époux, son fils Henri III futur roi de France en 1575, vinrent prendre les eaux à Saint-Denis-les-Fontaines.
Les Thermes sont encore améliorés par Marie de Médicis lors de son exil à Blois en 1617. Les bassins ont été restaurés, sur les vestiges de bassins Gallo-Romains.
Marie de Médicis – Reine de France (1575 – 1642)
Les visites de la reine et l’intérêt qu’elle portait aux eaux sont attestées dans le «Dictionnaire Historique de la Médecine Ancienne et Moderne», publié en 1778 par N.F.J. Eloy. Paul Reneaulme, médecin de la reine Marie de Médicis, lui dédia en 1618 un opuscule intitulé «La vertu de la fontaine de Médicis près Saint-Denys-lès-Blois».
Jean Bernier, médecin et conseiller de Marguerite Louise d’Orléans (1645-1721, fille de Gaston d’Orléans frére du roi Louis XIII de France), dans son magnifique ouvrage «Histoire de Blois» publié en 1682, témoigne entre autres: «Bien que cette fontaine ait été ornée d’un bassin par la reine Marie de Médicis et qu’elle ait fait quantité de belles cures dont j’ai été le témoin oculaire…».
Il souligne également le caractère thérapeutique de ces eaux en citant le Doyen de la Faculté de Médecine de Montpellier qui faisait allusion en 1648 sur la terre de Blois : «terram medicam adque medicorum» (terre médicale et de médecins).
L’appréciation médicale s’étendait au sein de Blois comme en témoigne le livre de dépenses de l’Abbaye de Saint-Laumer qui indiquait les prix payés pour l’achat de bouteilles provenant de Saint-Denis-les-Blois: «En août 1699 ont été payées deux livres au fontainier de Saint-Denys pour dix bouteilles d’eau.»«Sigillées et iodées», les eaux sont efficaces contre les vices de l’estomac, les embarras du foie et les affections cutanées ; elles permettent d’éliminer les déchets organiques. «Toniques et ferrugineuses», elles s’emploient dans tous les cas d’anémie et de convalescence. Outre les propriétés vertueuses des eaux utilisées en balnéothérapie, le climat doux local est en harmonie pour permettre un relâchement de la tension émotionnelle…
Malheureusement, la Cour ayant complètement abandonné le château de Blois et les rives de la Loire, les sources minérales de Saint-Denis partagèrent la disgrâce générale du Blésois. L’indifférence de Louis XIV et Louis XV pour les séjours favoris de leurs ancêtres portent un coup fatal à la vieille renommée de cette richesse naturelle, de ce moyen de guérison éprouvé par les siècles. La vogue des eaux de Saint-Denis tomba en désuétude: le bassin se dégrada (faute d’entretien) et les eaux s’altérèrent par le mélange de glissement de terrain et des eaux pluviales. Néanmoins, on relève dans les livres de dépenses de l’Abbaye de Saint-Laumer, que l’eau de Saint-Denis a été payée à des fontainiers de 1762 à 1799.
Il faut attendre le XIXe siècle pour que l’oeuvre partagée avec tant de succès à la Renaissance, soit poursuivie afin de rendre à sa destination première un établissement utile à la Santé Publique.
Une première démarche de réhabilitation est faite en 1806 par le Préfet de Loir-et-Cher, M. de Corbigny.
Elle est poursuivie en 1834 par son successeur Louis Asselin sur la demande de Elizabeth de Beaucorps-Crequy, dernière du nom Hurault de Saint-Denis.
Il faut attendre 1850 pour que les thermes soient restaurés : «…c’était un spectacle émouvant de voir, après un long oubli, sortir de terre les eaux limpides couler sur les mêmes dalles que deux siècles avant, la reine Marie de Mèdicis avait fait placer !… Peu de temps aprés, les recherches amenèrent la découverte de la piscine, qui fut dans un état parfait de conservation…» Docteur Blau.
C’est avec joie que sont saluées ces eaux bienfaisantes et le premier soin fut de s’assurer de leur composition minérale. Une première analyse est confiée au Docteur Jean Jacques Durand de Blois, examens confortés par les services de l’illustre Professeur Etienne Ossian Henry (spécialiste des eaux minérales) de l’Académie de Médecine. Plus de doute, les eaux de Saint-Denis-les-Blois contiennent des principes minéralisateurs nombreux auxquels il faut attribuer d’importantes propriétés, outre le débit important de ses trois principales sources qui produisent 230 000 litres d’eau par jour!
Le 2 septembre 1851, les eaux sont reconnues d’Intêret Public par le Ministère de l’Agriculture et du Commerce; le Docteur Blau est nommé Médecin Inspecteur des Eaux Minérales Naturelles de Saint-Denis-lès-Blois. Des subventions sont accordées pour construire un pavillon élégant couvrant les sources médicinales ainsi que la maison des bains; cette réalisation se fera sous la direction de Jules de la Morandière.
Quelques mois plus tard, le 26 mai 1852, le rapport favorable des analyses des sources par l’Académie de Médecine provoque la nomination du Docteur Arnoult, Médecin Inspecteur des Eaux Minérales Ferrugineuses de Saint-Denis-les-Blois, par le Ministre de l’Intérieur Achille Fould!
Action de la société « Durand & Cie » de 1854
Le 1er novembre 1852 est constituée une société par actions «Durand & Cie», présidée par Eugéne Riffault (Maire de Blois) et gérée par J. J. Durand. Le bail passé avec les propriétaires des sources, assure au gérant la jouissance et l’exploitation des Thermes. L’ouverture de la première saison a lieu le 2 juillet 1853, le service des transports omnibus est doublé après une semaine d’ouverture. Le succès de cette exploitation dépasse l’attente de ses investisseurs, la distribution de l’eau en bouteilles se fait même jusqu’à Paris.
L’urbanisation du village prend un autre visage : l’église est déplacée et reconstruite sur le plateau. De nombreuses constructions sont venues compléter l’ensemble existant pour répondre à la demande grandissante des curistes, et les héberger. L’établissement est très fréquenté de 1853 à 1865, la ville d’eau prend naissance…
Situation des thermes en 1854
Les différents traitements et le séjour. Le docteur Blau, dans son rapport, fait une distinction relative à l’utilisation de l’eau: l’une, attribuée pour la boisson (sources Médicis et Henri IV) et l’autre, appropriée pour les bains, douche et lotion (source Reneaulme).
L’établissement reçoit deux catégories de patients :
– Les uns viennent uniquement se soigner en utilisant l’eau en boisson, douches et bains.
– Les autres curistes reçoivent le traitement hydrothérapique.
Pensionnaires et externes se côtoient au sein du complexe thermal. A partir 1865 le choléra ralenti la croissance de la station thermale. Le 1er mars 1865, le journal officiel du Loir-et-Cher signale la dissolution et la mise en liquidation de la société. Les liquidateurs choisis par Assemblée Générale, ont reçu mandat de louer ou de vendre cet établissement au mieux des intérêts des actionnaires. En 1870, à cause de la guerre franco-allemande, l’établissement ferme ses portes.
Il faut attendre 1924 pour qu’un projet grandiose envisage la rénovation de la station hydrothermale de Saint-Denis-sur-Loire, visant le développement de Blois, considérée alors comme petite ville de passage et non encore classée «ville touristique»… Cette époque voit une explosion des cités urbaines essentiellement marquée par l’urbaniste Ernest Hebrard, qui se donne comme objectif la ville au centre des préoccupations des nouvelles conquêtes technologiques en accord avec les impératifs de production et de paix sociale…
Prolongement de l’avenue Maunoury projeté entre Blois et Saint-Denis-sur-Loire dans le cadre de la réabilitation des Thermes en 1927
Plusieurs architectes émérites comme Ernest Hebrard, E. Duquesne, Albert Tournaire, piliers de l’urbanisme de l’époque, tous lauréats du Grand Prix de Rome, définissent une ville idéale et redessinent Saint-Denis-sur-Loire, englobant l’Est de Blois, en partant du prolongement (illustré ci-dessus) de l’avenue Maunoury à Blois… comme une ville utilisant au mieux son capital, et permettant avec facilité son développement : Touristique par l’attrait de sa position géographique en Val de Loire. Thermale par l’abondance des eaux (230.000l/jour) riches en propriétés thérapeutiques déjà connues depuis l’antiquité. En favorisant le sport et le jeu pour le bien-être de ses habitants. En créant des industries nouvelles autour du thermalisme. En offrant des pavillons de sports pour le bienêtre de ses habitants. « ..Dans ce merveilleux paysage où la nature et les hommes ont rivalisé de splendeur, où tout n’est qu’harmonie et beauté, nulle entreprise ne sauraitvivre modestement…, la Loire n’admettant pas la médiocrité ! »
La Société Foncière et Immobilière de Blois et Saint-Denis-sur-Loire, au capital de 10 millions de francs, est créée à Paris sous forme de Société Anonyme. Une souscription de 15000 actions est portée en vue d’une perspective économique forte. Une cité opulente de 200 Hectares est proposée avec établissement thermal, casino, hôtels, palaces, immeubles, pavillons sportifs, établissements de balnéothérapie, sans compter les grands groupes industriels adaptés à l’exploitation, centrale électrique, usine thermique, blanchisserie, usine pour les eaux, brasserie, station de chemin de fer, tramways… Cependant, la démesure du projet avec la crise économique de 1929 ont mis un frein à la réalisation qui a balayé l’ambition de ses investisseurs.
En 1962 : Blois voit une explosion démographique importante avec 115 entreprises installées en moins de 10 ans et 45% de sa population âgée de moins de 30 ans. La Chambre Economique du Loir-et-Cher missionnée par l’Etat et le Département, propose une nouvelle initiative de développement touristique pour la ville de Blois et indique que l’existence des sources pourrait contribuer au développement de la station de l’Hermitage, et, à la création d’un centre touristique majeur s’étendant sur les deux rives de la Loire entre Blois, Saint-Denis-sur-loire et Suèvres !
Dithyrambique et incohérent, ce projet fait l’objet de nombreuses polémiques relatées dans la Presse locale, nationale et même étrangére : en 1964, l’Humanité décrie en page finale le projet comme un futur «Las Vegas à deux heures de Paris» ! Le Journal du Dimanche cite «à la fois Las Vegas, le Touquet et Deauville : on pourra y faire de la voile, du golf, du cheval, camper ou vivre dans un palace». Le figaro Littéraire demande de bloquer le projet meurtrier et de faire halte au massacre du Val de Loire… La pression est très forte, l’aménagement a été réduit de 95% donnant naissance : au barrage et au complexe sportif du Lac de Loire. Rivière enchantée, parc zoologique, stades, petit train, héliport, casino palaces, ports de plaisance, 4ème pont, et cités résidentielles et lacustres n’ont pas vu le jour.